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Closer I am to fine
28 septembre 2008

Le vinaigre et le miel

Parfois, mes bonnes résolutions m'abandonnent, parfois je me remets à penser, parfois je lève le couvercle. Je souhaite alors de pouvoir effacer, refaire, gommer ces évènements. Car d'histoire, il n'y en a point, juste des moments mis bout à bout, cote à cote, en mosaique ou en patchwork, comme on le voit. Je n'oublierai jamais cet instant qui a pourtant bien eu lieu, je ne pourrais jamais rien y faire. Cet instant où je n'étais plus moi, plus grand monde à vrai dire, plus la femme de, plus la mère, plus la fille de. Plus rien. Juste un corps à l'épuisement, anonyme dans le grand hôpital, vide de toute essence et de tout destin. Un corps à l'agonie qui expirait dans le tercian. Il suffit que j'entende ce nom pour sentir s'ouvrir une entaille à mon coeur. Et je vais l'entendre souvent avec ce que je fais. Hotel Dieu.

J'ai toujours été insomniaque, alors j'imagine que quelque part oui, ça devait sûrement arriver. Non que je me sois imaginée un jour être là, presque à en crever. Des visages étrangers et ma mémoire qui me fait défaut à cause de ce qu'on m'a donné pour -enfin- dormir. Je cherche désespéremment Cécile et ne croit pas l'infirmière qui me jure qu'elle vient de sortir de ma chambre. Quelques minutes plus tard, une autre femme qui regarde mon plateau d'un air pincé. "Si vous ne mangez pas on vous intubera!" Mais je n'ai même pas la force de me redresser dans mon lit.

Non, je ne l'oublierai pas cet instant, où après un dernier sursaut, sortant de mon lit au beau milieu de ma première nuit dans la froideur de l'hôpital, j'ai finalement abandonné. Mes jambes qui se dérobent et le contact du linoléum... Presque doux. Le bras qui me secoue, sans ménagement, qui me traine tant bien que mal à nouveau vers mon lit. Mais qui était ce ? Un homme d'entretien ? Et moi qui j'étais ? Personne, juste une pauvre folle, parmis d'autres fous.

Et puis après, il y a eu l'unité. Enfin mon fils. Je ne pouvais pas être heureuse là bas :

- loin de ma femme, de ma maison.

- à repenser sans jamais pouvoir me pardonner, d'avoir fait ce que j'avais fait, d'avoir dit, ce que j'avais dit.

- grillant cigarette sur cigarette assise sur les marches, cherchant en vain une bribe d'explication au suicide de S. Revoyant une à une chaque image.

- en regardant jouer I. et en pensant à ce qui allait advenir d'elle, maintenant que sa mère était partie.

- A me poser la même question pour la fille de S., à qui j'avais dit que sa maman allait revenir...

Et pourtant... Pourtant, je l'ai été, au moins un tout petit peu...

- en pensant que chaque jour qui passait me rapprochait du jour où nous rentrerions chez nous.

- en regardant mon fils, qui finalement semblait avoir été préservé et qui continuait à s'épanouir.

- à la manière dont P. s'occupait d'I.

- au moment au A. fumait près de moi en silence, où de toutes façons on avait tout dit. Juste la présence d'un être avec un autre être. Un coin d'humanité.

- au moment où j'ai pu oublier où j'étais pour m'occuper les mains et faire quelque chose d'utile, préparer un bon repas pour des gens que j'appréciais sincèrement.

- aux apparitions du Dr J. chaque matin, à sa démarche légère qui amenait avec elle un petit rayon du dehors.

A toutes les personnes admirables que j'ai pu rencontrer en une si sinistre occasion. Au métier formidable qu'ils font, un métier qui compte. Pour tout ça, je peux me dire : plus jamais, je ne serai séparée de ma femme et de mon fils.

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